Pour l´Observateur



Les pharmacies font place aux boutiques des médicaments

Profitant du laxisme de l’administration publique, de plus en plus des commerçants se transforment en promoteur des dépôts pharmaceutiques au détriment des pharmaciens. Alors qu’ils appartiennent à une profession libérale, les 39 pharma­ciens tchadiens sont tous des fonctionnaires. 20 d’entre eux seulement disposent des pharmacies, plus ou moins, achalan­dés dont ils confient la gestion, le plus souvent, à des infirmiers. C’est le malade qui en fait les frais.
Vendredi 22 septembre 2006, il est 10h, la porte de la pharma­cie de la Fontaine est grande ouverte, cet officine appartient à un pharmacien. Située en face du pavillon des urgences, il n’y avait pas du monde. L’un des deux gérants, un gestionnaire de formation, nous accueille. La pharmacie est abritée par une pièce d’à peu près 6m2. les produits sont entassés pêle-mêle, dans un dés­ordre total, sur des étagères qui couv­rent les trois côtés de la pièce. Les anti­biotiques en solution liquide partagent les mêmes rayons que les comprimés. Si on trouve du bactrim 100mg ici, il faut chercher le bactrim 200mg un peu plus loin. Sur le sol entre le comptoir et les étagères, une natte est étalée. Elle sert de couchage aux heures chaudes de la journée. La peinture du mur est défraî­chie par le temps. Les rayons sont dégarnis. Le patient qui entre ne peut pas avoir droit aux conseils d’un phar­macien.
A 50 mètres de là, se trouve le dépôt pharmaceutique Zongo. Ici, le décor est tout autre. Les couleurs sont fraîches, la peinture rutilante, les vitres sont propres. Juste derrière le comptoir, se trouve un frigo qui permet de conserver à une cer­taine température, des produits nécessi­tant la fraîcheur, tels que les solutions antibactériennes, les réactifs de gros­sesse… Malgré les coupures intempes­tives de la STEE, un petit groupe électrogène prend le relais de temps à autre. Chaque médicament à son rayon et est classé suivant l’ordre alphabétique et le dosage par milligramme. Le dépôt s’approvisionne au Laborex. Le gérant, un des coactionnaires du dépôt, ges­tionnaires de formation nous parle de la rigueur des services d’inspection de la DPML. « Ils ne font pas de cadeaux en ce qui concerne les conditions de conser­vation des produits. Actuellement ils nous harcèlent pour la réformation de notre dossier qui a connu un petit bouleversement. Suite au décès de notre co­actionnaire l’infirmier, il faut trouver absolument un infirmier à sa place sinon le Ministère de la Santé Publique nous retirera l’autorisation de fonctionner ».
En effet, au Tchad, la loi distingue une officine de pharmacie, d’un dépôt phar­maceutique. La pharmacie peut vendre tout produit médical et est la propriété d’un pharmacien. Elle est créée par un décret présidentiel. Tandis qu’un dépôt pharmaceutique peut être ouvert par un infirmier ou un personnel de la santé. Il est limité dans son offre en médica­ments par une liste. Cette liste ne contient que des produits de premiers soins. Les dépôts pharmaceutiques ne figurent pas sur la liste des pharmacies de garde. Au Tchad, il existe 120 dépôts pharmaceutiques répartis dans l’ensem­ble du territoire. Ils sont ouverts par un arrêté ministériel après avis de la DPML qui contrôle, également, leur fonctionne­ment.
En dehors des rares pharmacies qui continuent à offrir une gamme importan­te de médicaments à leurs clients, la plu­part d’entre elles font face à une rude concurrence. Leurs rayons se rétrécis­sent de plus en plus, comme une peau de chagrin. A l’instar de la pharmacie de la Paix, nombreuses tiennent encore, plus par habitude que par mercantilisme. Les dépôts pharmaceutiques sont très souvent les propriétés des commerçants qui utilisent des prêtes noms. Raison pour laquelle, ils investissent dans leur « boutique » sachant bien que les malades ne manqueront pas. Comme c’est le cas d’ailleurs, de la quasi totalité des phar­macies dont la gérance est confiée aux gestionnaires et autres personnes qui n’appartiennent pas au corps médical. Pire, ces dépôts pharmaceutiques sont transformés en mini centre de soins où on y fait des injections aux malades. Dans certaines « pharmacies », on peut s’y faire consulter par des infirmiers, en retraites ou qui rallongent leurs fins de mois.



Les docteurs Choukous dans la rubrique presse locale de tchadactuel

Je suis élève en classe de terminale. Cela fait plus de deux ans que je vends des produits de santé. J’ai un étal juste devant la porte de la maison fami­liale mais n’empêche que je fasse de bons chiffres d’affaires. C’est grâce aux revenus de mes ventes que je subviens à mes besoins. J’achète mes produits, soit au marché de Dembé, soit au marché de mil auprès des grossistes. La grande majorité des produits que nous vendons viennent de Dubai; de l’Inde, de la Chine ou du Nigeria.
Ils arrivent dissimuler dans un tas de divers articles qui entrent au Tchad via Kousseri au Cameroun. Ils échappent ainsi au contrôle des douanes tchadiennes. Ce sont quelques fois des médicaments qu’on envoie pour tester l’efficacité car nouvelle­ment fabriqués. Je vends sans ordonnan­ce, cela m’importe peu. Il m’arrive de pres­crire le dosage lorsque je suis en face d’un malade qui ne sait pas lire, témoigne Claude.
Le phénomène de vendeurs ambulants des médicaments est apparu dans les années 1990. Aujourd’hui il a pris de l’ampleur. Toutes les couches sociales de la capitale se ravitaillent auprès de ces jeunes. Pour des raisons financières, la plupart des ménages préfèrent se ravitailler auprès de ces jeunes que d’aller dans les pharmacies où on ne vend pas des médicaments géné­riques. Donc, les produits vendus en phar­macies sont plus chers. Le docteur Masna, président de l’Ordre des Pharmaciens du Tchad, trouve que cette raison financière ne tient pas. Selon lui, certains produits sont plus chers hors pharmacies. C’est le cas du sirop Totapen qui coûte 900 en pharmacie et 1500 chez les ambulants. En outre, les médicaments de la rue consti­tuent un danger pour le malade.
Le vendeur n’est pas un personnel de santé ni un pharmacien. Il ne sait pas d’où viennent les produits qu’il livre et les mauvaises condi­tions de conserva­tion accentuent l’impact néfaste sur leurs utilisateurs. Tout autour du mur du minis­tère des Affaires Etrangères, l’ex BPN, des jeunes, assis ou debout, derrière des tables garnies de médicaments, exposés en plein air, sous le soleil, à la merci de la poussière que soulève les va et vient des véhicu­les, s’affairent à recevoir leurs clients. Jonas est un licencié en droit à l’université de N’Djaména. II dit avoir embrassé la profession de « Docteur Choukou » par manque d’activités. « Depuis que les cabinets d’avocat ne prennent plus de stagiaires, on est dans la rue. Pour évi­ter l’oisiveté et la dépendance financière, j’ai pris le statut de revendeur de produits de soins, cela me fait un peu de sous et je ne me dérange pas«. Pour Jonas, l’origine des produits n’est pas trop son problème. D’ailleurs, il peut vendre sans ordonnance comme la plupart de ses pairs. Il lui arrive trop souvent également de prescrire des médicaments. Il se ravitaille au marché de mil comme tout autre choukou. Quelque fois, il avoue s’approvisionner parfois dans les pharmacies des hôpitaux. Certains s’approvisionnent auprès des agents de la Santé qui subtilisent les dotations de leurs hôpitaux ou centres de Santé.
Certains avouent que quelques médica­ments qu’ils vendent sont douteux. Mais, ils rejettent la responsabilité à l’Etat tchadien. Le Tchad a des frontières très poreuses affirment-ils et il ne revient pas à eux d’en­diguer cela. Chacun trouve son compte, clament-ils. De plus le gouvernement, dis­ent-ils, ne leur offre pas des opportunités d’emplois.

Dossier réalisé par Réndodjo Em-A Moundona
L’Observateur N° 393 du 11 octobre 2006






CSAPR : comment arriver à une paix 

durable


Le jeudi 26 octobre 2006, le Comité de Suivi à l’Appel à la Paix et à la Réconciliation nationale au Tchad (CSAPR) (Presse locale) a organisé une conférence de presse à Inades-formation pour présenter son processus de paix durable au Tchad. Dans ce mémorandum, le CSAPR fait un constat général de la situation du Tchad, il donne son analyse et propose des recom­mandations pour changer le climat poli­tique actuel.
M. Masalbaye Ténébaye affir­me que: « depuis les élections présidentiel­les de mai 2006, la situation politico- socio­économique et sécuritaire du pays est contrastée. Les foyers de tension se multi­plient, la paupérisation de la population est croissante et on note l’absence de la bonne gouvernance. L’insécurité dans les villes et les campagnes exacerbe des conflits intercommunautaires auxquels s’a­joutent les enlèvements, disparitions et arrestations arbitraires. La population civile subit des représailles de la part des rebelles et de la part des forces gouverne­mentales ». C’est dire que « les élections n’ont pas apporté de réponses adéquates à la crise politique et le dialogue politique s’est révélé incomplet et insuffisant. Ce qui a engendré une désaffection populaire qui risque d’embraser le pays ».
Pour le CSAPR, il n’y a pas de projet de résolution de crise crédible présenté aux tchadiens. Que ce soit par le Gouvernement ou par la communauté internationale. La crise de confiance perdure entre les acteurs poli­tiques et le pouvoir, entre les acteurs eux même, entre ces derniers et la population aussi. Pour maître Delphine Kemneloum Djiraïbé, « toutes les crises politiques, sociales et militaires peuvent trouver une solution pacifique et durable si leurs acteurs ont de la bonne volonté. C’est pourquoi, nous recommandons au Gouvernement et au Président de la République de proclamer un cessez le feu unilatéral sur toute l’étendue du territoire national et de respecter les accords de Tripoli. Aux partis politiques de l’opposi­tion, nous leur demandons d’accepter de participer au dialogue politique interne dans un esprit de nationalisme pour décrisper le climat politique qui prévaut actuellement. Aux partenaires internatio­naux, à l’ONU, à l’UA, d’œuvrer concrète­ment pour un processus de paix au Tchad en tenant compte des propositions des acteurs nationaux. La France doit adapter son analyse de la situation actuelle à l’é­mergence d’une solution politique adéqua­te aux enjeux tchadiens, elle doit intégrer le dispositif Epervier à une force internatio­nale de sécurisation de ce processus de paix ».

par Réndodjo Em-A Moundona
L’Observateur 

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