vendredi 12 juillet 2013

Moi femme léguée


Je veux juste vous parler d´une réalité africaine qui persiste encore dans le Tchad moderne, aux confins des villages reculés : le lévirat. Une pratique qui tire sa source des temps bibliques et dont certains religieux pour ne pas dire louvoyeurs d´héritages défendent encore bien.

L´idée de cet article est née d´une de nos nombreuses discussions nocturnes une amie et moi.  Elle s´inquiétait pour son père qui, à la fin des funérailles de son grand frère devrait selon la coutume s´occuper des femmes de ce dernier ; entendez par là, en prendre au moins la plus jeunes pour épouse. Or connaissant son père en chrétien moderne et médecin, il refusera au risque de s´attirer la colère des gardiens de la tradition. On était sûr qu´il dira non, mais on craignait aussi pour lui et les conséquences pour sa famille resté à N´Djaména. Surtout sa femme que la famille taxera d´égoïste refusant de partager son homme. À la fin de la conversion, je pensais à cette femme de trente ans à l´époque, Marie. Elle venait aussi de Pala cette ville du Sud-Ouest du Tchad.
Si la raison première est de conserver le nom du défunt par le moyen des enfants qui naitront de sa femme et qui, porteraient son nom ; la seconde est la plus importante est de maintenir les héritages dans la même famille et dans la même tribu. Et ici se trouve la véritable raison. Car la réalité a montré que très peu de beaux frères s´occupent vraiment de la femme et des enfants de son frère défunt.
Au Tchad, le lévirat se pratique encore chez les Moundangs torrock où, j´ai rencontré Marie qui fut obligée de marier en seconde noce le fils de son mari. À une certaine époque, les Dayes le pratiquaient aussi. On épouse un enfant qu´elle a vu jouer dans la boue, courir en culotte et se moucher avec le dos de la main pour finir par les essuyer dans son pagne à elle. Un enfant qui jusqu´au décès de son père l´appelait encore maman. Elle finit par se résigner lorsque ces parents s´opposèrent à son refus. «  Mon père a promis me renier si jamais je ne suivais la coutume. Mais comment épouser le fils aîné de mon mari qui est comme un fils pour moi ? Je n´avais le support de personne. Voici comment je suis devenue un bien communautaire transmis sous forme de legs.» Ainsi le premier fils du défunt hérite de la femme de son père. Il conçu un enfant avec elle. Et pourtant, durant la période marquant la vie de son père, sa seconde épouse constituait une seconde mère pour lui.

Certaines traditions évoquent la seule mesure de protection sociale de la veuve qui serait sans ressource. Parlant alors de cette protection, on a vu des cas de lévirat où, la belle-famille l´a voulu parce que la veuve ne devrait pas être seule l´héritière du défunt mari. Il faut alors lui imposer le beau-frère comme second époux afin que les biens restent dans la famille. Ainsi l´argument socio-humanitaire qui revient souvent dans les discussions n´est pas valable si, on tient compte du nombre impressionnant de décès dus à l’infection dû au VIH/SIDA, on peut bien se demander comment des unions de ce genre sont encore acceptées au mieux encouragées voir exigées lorsqu´on ne sait pas de quoi est mort le grand frère. On sait qu´ il rare qu´une famille admette que son fils est mort de VIH parce que vu jusque-là comme une maladie honteuse. Ainsi on accepte quand même de léguer la femme sans un test de dépistage au prochain candidat au mariage. On donne à la  veuve requiert le statut d´objet, un bien du lignage et donc une propriété de la société qui l'a acceptée et est déléguée à une autre personne comme outil de reproduction. La veuve est une valeur sociale et conforte un certain prestige social au frère qui la prend en secondes noces.

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