vendredi 14 février 2014

Bangui, j´accuse. Je nous accuse

Je n´aime ni accuser, ni pointer du doigt, car les miens non plus ne sont propres. Mais lorsque je vois la société centrafricaine qui s´entre décime, ma vue se brouille dans ce sang. Lorsque j´observe tout un peuple réuni qui se conduit de manière insensée, alors mon entendement s´arrête. Je n’accepterai jamais de garder silence face à un meurtre.


Photos DR
Même si on accuse aujourd’hui mon pays d´être le pompier-pyromane, moi je dirais; laissons ces accusations politico-politiciennes aux seuls intéressés qui s´en abreuvent. Le Tchad peut se targuer d´être le gendarme de l´Afrique, moi je ne m´y reconnais pas. Je suis Tchadienne certes, mais je suis avant tout Africaine. Je me suis tant contenue que je n´en peux plus. J´aurais aimé que nous jeunes Africains fassions une introspection de nous-mêmes. C´est la raison de ce billet. Après tout, nous sommes les éternels perdants. On observe et laisse ces vautours gavés de pouvoir nous voler notre jeunesse au nom des idéaux assez mal définis que la perception de ce Dieu (ou Allah) que nous avons emprunté aux colonisateurs et aux marchands arabes. Au nom de quel Dieu s´entretue-t-on à Bangui ? Un Dieu belliqueux ? J´en doute fort en voyant son œuvre  : la beauté de la nature.
Je ne parle pas de la RCA seulement dans cet article. Je parle d´une Afrique qui se tue, se brise. Il y a vingt ans, c´était le Rwanda. Avant-hier, le Mali et hier le Soudan du Sud. Si tu ne respectes pas ton bien, comment veux-tu qu´un autre le fasse pour toi ? Une génération entière privée d’avenir a basculé dans la violence. Des jeunes qui massacrent, pillent, violent, volent celles qui pourraient être leur épouse, mère, sœurs et filles. Ne venez pas après me dire que l´ennemi c´est l´autre, que notre mal vient d´ailleurs. Oui,  mais qu´en est-il de nous-mêmes ? On accuse Sangaris de faire le lit des anti-Balaka. Soit, mais ont-ils appuyé sur les gâchettes en lieu et place des anti-Balaka ? Je ne vois que des mains africaines comme les miennes qui brandissent les membres découpées des Africains comme eux devant les caméras européennes. On se dévoile petit à petit avec nos haines insensées. « Je m´associe à tout le monde pour faire le bien, mais je ne m´associerai à personne pour faire le mal « disait Frederick Douglass en son temps. Je crois qu´il est temps aussi que la jeune génération africaine reprenne les mêmes pensées de cet abolitionniste américain. Oui, notre silence et notre neutralité face à cette barbarie en RCA seraient une trahison vis-à-vis de nous-mêmes et de nos enfants.
Ces images à longueur de jour sur les chaînes étrangères m’irritent. Je dis, ne pourrions-nous pas renvoyer une autre image de nous ? Est-il si difficile pour nous de comprendre enfin que les guerres et autres massacres ne nous ont rien apporté que la désolation, les larmes, la misère, la souffrance, la haine de l´autre ? Si nous pouvions nous asseoir un jour et faire le bilan de toutes ces guerres africaines. Triste bilan : pillage de nos biens, de nos richesses et de nos matières premières, vandalisme contre nos frères de couleur, destructions de nos biens, trésors (je vois encore les manuscrits de Tombouctou éparpillés) matériels qu´immatériels, … Pourtant ce sont ceux qui détruisent qui payent chèrement après la fin de la guerre.  Notamment cette jeunesse. Les seigneurs de guerre ont toujours eu la vie de pacha ailleurs. Bozizé, Djotodia ainsi que Patassé avant eux  se la coulent douce devant l´océan quelque part à Cotonou ?
J´aurais aimé que chaque potentiel anti-Balaka et futur cannibale qui me lit, retienne ceci : avant de nous laisser emporter par cette soif de sang, il va falloir nous poser des questions du genre : pourquoi dois-je faire la guerre ? Que reproche-t-on concrètement à l´autre? N´y´aurait-il pas une autre solution que la violence ? Et si c´était moi la victime ? Que resterait-il de nous après ? Comment vivrais-je après avec ma conscience ? Ecoutons  ces cris de désolation qui montent des profondeurs de la RCA. Si toute la jeunesse refusait de prendre les armes, ces seigneurs de guerre déposeraient les leurs.

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