La veuve du fusillé/Pichio |
La
sonnerie du téléphone retentit toujours et sans arrêt. Je pris pourtant mon
temps pour savourer cette fraîche douche qui se repent sur ma peau en un filet
transparent. L´odeur et les effluves du gel de bain éveille mes sens olfactifs.
Je pris mon temps pour oindre mon corps de ma lotion O´ttentika. Cette odeur de
noix de karité toute pleine de sève qui s´en dégage me réjouit toujours. Je
décidais de sortir de la cabine de bain lorsque la sonnerie du téléphone
repris de plus belle. Je happe à la sauvette ma robe de nuit et noua par-dessus
à la va-vite le manteau assortie. J´arrache presque le combiné de la main de
Sainta qui venait de faire son entrée dans le salon.
-
Hallo Mme Betoudji?
Nous voulons vous demander de passer à la morgue identifier un corps qui serait
d´après les documents celui de votre mari.
-
…
-
Hallo Mme !?!
Etes-vous encore là au bout du fil ?
L´idiot
du service des urgences de la morgue de l´hôpital central ! Comment a-t-il
était aussi sans cœur? Le sol s´était
dérobé sous mes pieds. Le combiné m´a échappé des mains et moi-même j´ai failli
me briser le crâne sur le rebord de la baignoire si ma fille aînée Sainta
n´avait été rapide dans ses mouvements.
J´appelais
mon chauffeur et trente minutes après nous sommes aux urgences. Là, gisant au
sol à mes pieds. Mais vraiment sur le sol nu, mon mari, mon bien aimé,
dépouillé de ses habits, un grand trou sur la tempe et un autre dans le ventre.
On a tiré sur lui à bout portant emportant sa nouvelle voiture. Une BMW X5. Il
venait de l´acquérir il y a une semaine. Il était fier d´être le seul à l´avoir
dans la ville. Je vois encore le tour inaugural : nous sortîmes de chez
nous par le rond point de l´Union direction la Présidence de la République
puis, nous virâmes à droite pour revenir sur l´avenue Charles De Gaulle. Là,
nous nous assîmes aux Glaciers pour siroter un jus d´ananas sans sucre. Comme
tu l´aimes. Je voulus faire mes emplettes dans le supermarché en face mais tu
insistas pour déposer avec ta BMW.
«Juste 50m de l´autre côté de la route. Mais
voyons chéri! J´aurais pu le faire à pieds» t´avais-je dit.
«Non Mme! On monte et on ne discute pas»
rétorquas-tu avec un clin d´œil. Tu me pris par la taille. Tu me fis franchir
le rebord de la porte d´entrée, happa un chariot au passage avec ta main
droite. Sous le regard accusateur des autres hommes du supermarché, tu poussas
nos achats jusqu´à ta voiture, m´ouvrit la portière, m´installa avant de
revenir charger les courses dans l´arrière du véhicule. C´était le plus beau
jour de ma vie depuis que tu as décidé d´avoir une maîtresse. Cette fille dont
l´âge aurait pu être celle de notre fille Sainta.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire