lundi 3 mars 2014

Dans l´univers de l´activisme politique tchadien avec Abdelkerim Yacoub

Abeldelkerim Yacoub, le hasard a voulu qu´on se croise par une nuit hivernale à Paris autour d´un thé fumant. Il me sera donc plus tard comme un activiste pour la démocratie au Tchad. Qu´est-ce donc qu´un activiste? Il milite sans tenir compte des clivages ethniques et politiques. Il ne milite pas seulement contre un pouvoir présent. Un activiste propose aussi des solutions via des tink tank, des conférences, des manifestations … enfin de faire vivre un contre pouvoir jeune et dynamique. Il nous propose un interview qu´il a réalisé avec www.tchadinfos.com  

“Je suis pour ma part un non violent et un pacifiste. Je crois que les solutions politiques proviennent du dialogue et de la concertation inclusive”Interview à lire

1- BONJOUR c’est quoi être activiste ?
L’activisme politique n’est rien d’autre qu’une modalité parmi d’autres de la participation politique. J’entends par là , la volonté d’être un citoyen engagé. Engagé dans la défense de droits qu’il estime essentiels. Je pense aussi qu’ici on fait référence à des valeurs que je partage, au sommet desquels se trouve la dignité humaine. De là découlent évidemment des conséquences politiques que souhaite l’activiste. Par exemple le droit d’avoir à boire et à manger, d’être instruit, d’être libre de manifester sa pensée et enfin un droit important celui de vivre en pleine sûreté et sécurité dans son pays.
J’ai grandi au Tchad, j’ai été dès mon adolescence habité par cet esprit activiste, même si à l’époque ce mot n’était pas spécialement en vogue. En effet, mes activités associatives dans les mouvements de jeunesses pour la défense des droits de l’homme, la protection de l’environnement ou la promotion de la culture tchadienne était déjà une participation politique, et donc de l’activisme politique. Mon engagement politique actuel est une suite logique d’un processus qui date de mes années au collège à Bol puis à Ndjamena.

3- Quelles sont vos actions concrètes depuis votre exil ?
Notre pays est très enclavé, pour ce qui concerne l’information qui circule sur lui dans le monde. Je veux par là , dire que l’avenir du Tchad, demain passera certainement par la manière dont circule l’information sur le pays dans le monde. Je me suis attelé dès mon arrivée en France à faire parler de mon pays , notamment à travers des espaces de discussion sur l’avenir de l’Afrique, et du Tchad en particulier. J’ai créé un think thank déjà en 2003 « Afrik connexion », qui a animé des réflexions sur les questions relatives à l’avenir social et économique de l’Afrique et plus particulièrement du Tchad. Je participe activement à toutes les actions de l’ opposition et de la société civile tchadienne en Exil.
Cet engagement ma permis de prendre conscience de la nécessité de dénoncer ces attentats répétés à la dignité humaine dans mon pays, des abus politiques, et le népotisme du gouvernement. Je pense notamment à la modification de la constitution, qui signifiait surtout que la volonté du sommet du pouvoir était de se maintenir quasiment à vie. Je ne pense pas que le sens de l’histoire du monde aille vers l’autocratie. Nous le voyons la pluralité politique et l’alternance ont des vertus. Elles améliorent les sociétés. Quelles que soient d’ailleurs les formes que prend cette possibilité de pluralité.
Je regrette être le ressortissant d’un pays dans lequel l’exil extérieur est la seule manière d’être en sûreté lorsqu’on exprime son opinion sur l’état de la société et de la manière dont on est gouverné.
Le monde aujourd’hui est un village global. Le son et l’image voyagent entre les hommes à la vitesse de la lumière et sont diffusés par le plus extraordinaire appareil de diffusion de l’information inventé par l’homme. Sur ce point, le Tchad est un pays qui je pense ralentit de manière volontaire l’accès de sa population à Internet. C’est un tort. Néanmoins sachez qu’à 6000 kms de N’djamena, je suis probablement plus informé de ce qui se passe que la plupart des gens qui y vivent. Je suis , grâce à ce réseau, en contact permanent avec de nombreux tchadiens et m’informe quotidiennement des réalités dont vous parlez. Ce sont justement ces informations sur cette réalité qui motivent mon engagement politique dont nous parlions plus haut.

6- Qu’est-ce qui vous manque beaucoup depuis votre exil ?
Mon pays me manque, ma famille, mes amis, la vie au Tchad me manquent. Je souhaiterais, mais il s’agit ici d’un monde idéal en raison des garanties de sûreté dont je vous parlais, pouvoir faire au Tchad ce que je fais à l’extérieur. Actuellement, cela n’est pas possible dans les conditions politiques qui hélas, y prévalent.
Mon combat est celui que mènent et qu’ont mené tous ceux qui se battent pour la dignité des tchadiennes et tchadiens. Je pense que redonner leur dignité d’hommes et de femmes à nos compatriotes est une tâche majeure du XXIème. Je pense que chaque tchadien devrait être concerné par cette tâche. Mon combat est donc celui pour l’amélioration des conditions de vie des tchadiens qui est en dessous de ce qui devrait être. Par exemple, pensez-vous qu’il soit normal que l’eau et l’électricité manquent dans un pays producteur de pétrole ? Que la moindre aiguille médicale soit impossible à trouver pour les nécessiteux ? Que les journalistes qui dénoncent cette situation risquent à tout moment leur profession et leur vie ? Que des opposants politiques soient assassinés impunément pour leurs idées ? Que les citoyens n’ aient pas accès aux services publics sans avoir à subir la corruption ? Que les opérateurs économiques ne puissent pas entreprendre dans un environnement juridique sécurisé ? etc…

8- Vous appartenez à un parti politique ?
Non. J’ai évolué dans la société civile. Je pense qu’une partie essentielle de l’action politique doit d’abord aujourd’hui faire ses preuves au sein de cette société civile. Les partis politique au Tchad vous savez, avec notre jeune Etat dit moderne, ne sont pas des représentations d’idées, mais plus des représentations de sensibilités ethniques et claniques. Pas tous, mais pour l’essentiel c’est malheureusement le cas.

9- Admettons que le régime en place ne parte pas d’ici 20 ans, envisagez-vous de rester encore 20 ans en France ?
Je suis déjà en France depuis 13 ans ! Que sont finalement 20 années, si au bout, on obtient par son engagement aux côtés d’autres plus de dignité pour nos compatriotes ?

10- Il y a quand même une bataille d’ego chez les activistes opposants non ?
C’est vous qui le dites. Je n’en sais rien. Le propre de la politique c’est la compétition et l’expression des ambitions personnelles signifie peut être que dans l’opposition, celles-ci sont davantage tolérées. Cette concurrence est une bonne chose pour moi, elle signifie que dans l’opposition on s’affronte autour d’idées.
Je suis pour ma part un non violent et un pacifiste. Je crois que les solutions politiques proviennent du dialogue et de la concertation inclusive. Il y a déjà plusieurs partis qui ont proposé des solutions d’alternance, il y a déjà cette unité dont vous parlez au sein de l’opposition. Ne confondez pas les ambitions des uns et des autres avec ce qui les unit à savoir, un changement social et politique important dans le pays. Je vous disais que le monde avait évolué, les partis ne sont pas les seuls modalités ou possibilités de l’action politique.
Je vous ai dit plus haut qu’il y avait de la pluralité au sein de l’opposition. L’exemple doit être donné au sein des nouveaux partis politiques ou de ceux plus anciens, concernant la nécessité de renouvellement des personnalités et dirigeants politiques.
Tous les jours.

14- Envisagez-vous de présenter aux prochaines élections ?
Je vous disais que pour l’instant je suis un citoyen engagé. Je suis au service non pas de la possibilité d’un portefeuille ou d’un fauteuil. Mon service est celui du rétablissement de l’état de Droit au Tchad et de la dignité de mes compatriotes. Je servirai cet objectif à chaque possibilité et occasion quelle qu’elle soit.
Je suis optimiste pour l’avenir du Tchad et de l’Afrique. Le Tchad et l’Afrique auront un visage absolument différent de celui qu’il est aujourd’hui dans 20 ans. J’en suis persuadé. Les tchadiens d’ici là j’en suis certain, se seront mis autour d’une table pour dialoguer de la paix et de l’avenir du pays et de leurs enfants. Avec le potentiel économique du Tchad, ceci n’est pas un rêve.
Je cherche, je ne vois pas dans l’immédiat. Il a surtout fait des promesses qui souvent n’ont pas été tenues. Il nous a promis ” ni or, ni argent mais la démocratie”. Nous n’avons eus je crois aucun des trois.
Si il s’agit d’entrer dans le système dans le cadre d’une discussion inclusive sérieuse et vraie sur le changement social et politique qu’appellent tous les tchadiens, pourquoi pas ? Je suis aussi conscient du vampirisme des systèmes autocratiques. Je n’accepterai pas d’intégrer un système qui me broiera, comme il a broyé tant d’autres qui ont cru qu’on pouvait changer les choses en participant dans le cadre actuel d’un système qui est selon de nombreux observateurs, criminel et mafieux.

18- Qu’est ce qui vous motive ?
Œuvrer pour que les générations futures ne subissent et ne vivent pas les mêmes misères et injustices que la nôtre et les précédentes ont subi.
Nelson Mandela d’Afrique du Sud et Jerry Rawlings du Ghana. Ils ont su mettre leurs pays sur la voie de la réconciliation pour l’un et pour l’autre, l’ont doté d’institutions stables et d’une armée républicaine et surtout ne se sont pas accrochés au pouvoir.

20- Que pensez-vous pouvoir apporter au Tchad ?
J’ai consacré depuis de nombreuses années l’essentiel de mon temps à l’avancement social et politique du Tchad. Je crois en une société tchadienne et africaine dans laquelle la dignité et la participation de tous au progrès seront les valeurs principales. Ce que j’apporte déjà et compte apporter encore davantage est cette vigueur et cette force pour atteindre cet idéal. Apporter ma contribution à celle des autres pour bâtir une société qui pourra concourir à la réalisation de cet objectif.

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